Mon expérience pendant de nombreuse années en photographie argentique noir et blanc et couleur m’a permis d’aborder le numérique avec les mêmes exigences :
rigueur du cadrage, évaluation visuelle et contrôle de la mesure de la lumière et du contraste, le suivi en laboratoire et pas ou peu de retouche possible en post-production.
Le travail en 24 x36 mm, au moyen format ou à la chambre de prises de vues 4 x5 inches jusqu’au 20 x 25 cm inversible m’obligeait à prendre mon temps, à me concentrer sur le sujet, à poser avec précision, à ne pas déclencher inopinément et intempestivement. Cette manière de faire, et la prise de décision au moment de capter l’image, je l’avais aussi quand je tournais en 16 mm pour les actualités télévisuelles.
Il est évident que cinéma et photographie se sont télescopés, comme par exemple le rythme, la notion de mouvement et d’espace, le tourné-monté en reportage et le découpage d’un film au service d’une histoire dont j’ai pu en tirer les leçons en variant aussi mes grosseurs de plans et angles de prises de vues en photographie pour une meilleure compréhension du sujet pour l’opérateur que je suis et le spectateur que vous êtes.
La conversion au numérique, même si elle fut au début vue avec méfiance, m’a convaincu de ses immenses possibilités et évolutions techniques au service d’une expression assurée.
A cela, ma formation en arts plastiques et en histoire de l’art et du cinéma n’a pu que renforcer ma vision : il est primordial de continuer à construire des images en se référant aux artistes de l’antiquité jusqu’aux grands maîtres de la peinture classique et moderne et à leur enseignement incontesté. Je pense qu’on peut d’ailleurs concilier photographie de commande ou scientifique avec une sensibilité artistique.

C’est une des raisons pour laquelle je tiens beaucoup à l’importance de la connaissance et à la pratique personnelle des techniques de la peinture et du dessin, de la composition, du cadrage, du jeu de directions des regards et des gestes des protagonistes, de la mise en scène, de la relation de l’humain au décor ou au paysage.
Et quand je dois photographier les détails d’un tableau, je m’applique à re-composer l’image pour que le spectateur ait une lecture claire respectant les règles de la composition du nouveau cadrage que je lui propose.
Cela est vrai pour toute photographie : paysage, portrait, nature morte, photographie documentaire, reportage, ou représentation d’une œuvre d’art qu’elle soit objet, mobilier ou monument.
Si certains sujets sont exaltés en couleurs, une photographie interprétée en noir et blanc peut mettre en évidence certaines caractéristiques qu’on n’aurait pas vu en couleur. D’autres sujets se prêteront mieux au noir et blanc, quitte à prendre la décision de supprimer définitivement la version couleur.
Je préfère privilégier la lumière naturelle pour les espaces architecturaux, afin de conserver l’ambiance du lieu.
Chaque sujet et chaque représentation est unique, avec ses problématiques que je dois résoudre : lumières, ombres, volumes, reflets, matière, graphisme, espace, équilibre.
Mais toujours, on se doit de photographier avec humilité et respect un être humain, un animal, une œuvre d’art, un lieu qu’il soit sacré ou profane.
Je ne suis que le témoin de la création et de la beauté.
Au mieux, j’essaie de sublimer ce que je vois.

« La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. »
Irénée de Lyon

Je peux toutefois me permettre des libertés et oser certaines propositions artistiques et représentations mais qu’après avoir étudié et dialogué avec ce qui s’impose face à moi-même, avec le respect qui se doit face à la beauté ou à la souffrance du monde.

« Les photos sont là, et il ne te reste plus qu’à les prendre. »
Robert Capa
